Vrai motard : l'être ou le paraître ?
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Vrai motard : l'être ou le paraître ?
C’est l’été, la sacro-sainte belle saison qui va enfin exonérer les constructeurs de leur excuse favorite, ressortie comme un paratonnerre, à chaque fois que les ventes de motos sont mauvaises. Combien d’entre vous vont partir cet été en voyage à moto ? Pas beaucoup. Allez, vous pouvez l’avouer. Les excuses sont nombreuses. La famille, les enfants, les bagages. Mais je vous rassure, le nombre de journalistes moto qui vont à leur tour rejoindre leur lieu de villégiature à deux-roues est souvent maigre lui aussi. Je vois d’ici qu’on va encore me taxer de mauvais esprit. Mais comprenez-moi bien, je cherche à défendre la moto, la moto avant tout.
Mais autant certains de mes confrères se sentent investis dans la défense des machines dites de caractère, et trouvent logiques les difficultés rencontrées actuellement par les constructeurs historiques japonais, autant je plaide pour une certaine démocratie motarde. Alors bien sûr, le rôle de la presse moto est de vous offrir du rêve. Mais en vous vendant ce rêve, nous ajoutons parfois notre pierre à l’édifice de la frustration motarde et nous faisons en partie le jeu de la société de consommation à outrance. Alors toi qui roules sur une Suzuki Bandit à air de 98, une vieille Yamaha Fazer crade affichant 80 000 bornes, toi qui roules tous les jours et qui captes parfois le plaisir rare de conditions idéales, sache que tu n’es pas seul.
J’ai choisi de défendre les gars courageux qui ne claquent pas toute leur paie dans leur passion et résistent en même temps à la tentation du scooter. Cette nuée encore vive de motards qui n’ont ni la course ni la fibre italienne dans le sang, qui se moquent autant de l’apparence que des accessoires en carbone ou de leur vieux blouson pourri par trois hivers. Ces mecs qui ne font rêver personne au feu rouge avec leur top-case et leurs pneus épluchés, mais qui savent pourtant au fond d’eux joindre l’utile à l’agréable. Je n’ai aucun respect pour ce type que je vois tous les dimanches astiquer au coton-tige sa caisse et sa Kawasaki Z 1000 accessoirisée des bouchons de valve aux rétroviseurs, sans jamais faire plus de 100 km par mois et par beau temps. Il est sûrement heureux comme ça, je le laisse tranquille, mais je n’ai aucun respect pour lui.
Dans la mythologie d’Audiard, on reconnaît un cave au fait qu’il se bourre ostensiblement de caviar tandis que l’affranchi déguste son petit salé aux lentilles au coin du zinc, tranquille. À moto, je soupçonne aussi les plus voyants d’entre nous de ne s’intéresser à la chose que pour son paraître. Est-ce pour autant blâmable ? La moto n’a, par définition, rien de rationnel. Permettez-moi donc, à juste titre, de ne pas l’être non plus, et d’être touché par ce qui est discret, banal, mais durable. Laissez-moi apprécier ce gars que je vois souvent en Bretagne faire son marché avec sa Honda Transalp burinée, et sourire en coin au feu rouge à côté d’un type sur une Kawasaki ER-5 bleue, pensez donc, ma première moto ! Alors oui, je réfléchis souvent à notre petite chapelle qu’on appelle la presse moto.
Beaucoup de lecteurs estiment que nous faisons là un métier de rêve, et ils ont bien raison. Mais est-ce qu’en retour, nous pensons au lecteur aussi intensément que nous le devrions quand nous travaillons ? Nous créons une montagne à chaque fois qu’un constructeur dévoile une nouvelle sportive, tout en sachant que nous serons les premiers à ne pas l’acheter, faute de moyens ou de besoins. Et c’est là qu’il devient important et difficile de ne pas se perdre. Sommes-nous des motards, des pilotes pour certains, qui écrivent des articles ? « Sommes-nous des gonzesses »* frétillantes devant le premier nouveau truc venu ? Ou cherchons-nous toujours le discernement qui permettra au lecteur de faire la part des choses ? À mon sens, la position idéale est celle du journaliste de souche qui, accessoirement, fait de la moto. Et pas l’inverse.
Mais travailler sous pression dans le milieu qu’on aime tout en gardant l’esprit froid n’est pas chose facile. Cette première pression à froid de la presse agit pourtant comme une bouffée d’air frais sous la canicule. Voilà, la coupure estivale est aussi un laps de temps propice à la réflexion, et telle sera la mienne. Ce qui m’excitera à la rentrée ? Les nouvelles motos ? Pas certain. L’endurance au Bol d’Or ? Assurément. Excellentes vacances à tous.
Source: motorevue.com
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